Le belting
Article d'Olivier Régin - Publié en 2019 - Modifié en 2021, 2022, 2024
Belting - Pour chanter avec puissance dans les aigus
Lorsqu’on entend parler du belting, sur Youtube ou ailleurs, on se rend compte rapidement qu’il n’y a pas une définition qui fasse l’unanimité.
On nous explique qu’il s’agit, ou pas, de voix de poitrine ou de voix mixte – des termes qui eux aussi manque de clarté – on mêle à tout ça une subjectivité de ce qui est joli ou ne l’est pas, on utilise des appellations de différentes approches pédagogiques… Et on devine qu’une personne qui s’intéresse au sujet et cherche à produire ce type de son, très utilisé aujourd’hui, ne sache pas où commencer, ni comment y arriver.
Pourtant, il est possible de faire simple pour expliquer « le » (ou devrais-je dire « les ») belting. Et je vous propose ici de le faire et surtout de voir comment obtenir et produire une palette de sons et des volumes différents, dans les aigus de votre voix.
L’article ci-dessous est une retranscription de la vidéo ci-dessus.
Je vous conseille donc tout simplement de la regarder!
C’est quoi le Belting?
Si personne n’est d’accord sur ce que c’est vraiment, tout le monde s’accorde pour dire que c’est un résultat sonore dont la caractéristique principale est sa puissance, son volume, intense.
Pour comprendre cette idée de volume, clarifions déjà quelques points sur le fonctionnement de notre voix.
Mécanismes
Rappelons que le son de notre voix parlée et chantée est produit par nos plis vocaux (le nom anatomique officiel des cordes vocales) qui peuvent fonctionner dans des mécanismes différents.
Voyez cela comme une boite de vitesse de voiture: on peut rouler en première, seconde, troisième, quatrième, etc. Avec notre voix, pour parler et chanter, nous pouvons utiliser deux mécanismes principaux:
- le mécanisme 1 (dit Lourd)
- le mécanisme 2 (dit Léger)
Volume sonore
Le Mécanisme 1 (lourd) est celui que nous utilisons généralement pour parler. Et dans ce mécanisme, plus que dans l’autre, l’accolement de nos plis vocaux est davantage possible.
Et c’est important, parce que le volume de notre voix -sujet complexe que nous allons simplifier ici- est essentiellement créé par les plis vocaux. La règle est simple: plus il y a d’accolement, de surface de contact entre eux, plus il y a de volume.
Donc, pour faire du Belting, puisque le rendu sonore recherché est fort, intense, il faut être en mécanisme 1.
Cartilages du larynx
Ensuite, il faut rappeler que nos plis vocaux se situent dans notre larynx, une structure situé à l’avant dans notre cou, qui est composé de cartilages dont certains basculent les uns sur les autres, permettant d’allonger ou de raccourcir les plis vocaux.
Voyez cela comme deux épais élastiques avec une certaine tension de base et qui peuvent se tendre davantage ou à l’inverse, se détendre.
Le fait d’allonger ou de raccourcir les plis vocaux modifie la surface d’accolement et donc en conséquence, permet de produire des volumes sonores différents.
Conduit vocal
Enfin, au dessus du larynx, le conduit vocal, composé de la gorge, de la bouche et du nez, est un espace de résonance. Comme celui de n’importe quel instrument de musique.
Il est possible de modifier cet espace, d’agencer les éléments qui le composent pour donner des couleurs différentes au son.
Une infinité de possibilités et résultats sonores ...
De tout cela, (le mécanisme utilisé, la configuration des cartilages du larynx, l’agencement du conduit vocal et bien d’autres variables) découle une infinité de possibilités et résultats sonores. Ce qui explique, selon les personnes, les styles et les époques, les nombreuses définitions et interprétations de ce que devrait être le belting.
Le plus important à retenir de tout ça est que toutes ces possibilités, tous ces résultas sonores, toutes les instructions motrices pour les produire, nous n’avons pas besoin d’apprendre à les faire. Nous verrons plus tard pourquoi elles sont parfois difficiles à produire, mais disons dès à présent qu’elles sont déjà, globalement, programmés dans chacun de nous: elles font partie de diverses fonctions de notre corps et pour celles qui nous intéressent, ont un lien étroit avec nos émotions.
En lien avec nos émotions...
C’est ce que beaucoup d’études ont démontré: si on devine facilement que chanter implique les structures de notre cerveau où les émotions sont générées, perçue et mémorisée, il a été mis en évidence que les schémas d’actions au niveau de la voix sont les mêmes dans l’expression vocales des émotions et celles que nous utilisons lorsque nous chantons.
Et on comprend bien alors que c’est peut-être une bonne idée de s’y intéresser…
La musique est la langue des émotions
Emmanuel Kant
L'émotion "plaintive"
Prenons un exemple du quotidien: lorsque nous nous cognons le petit orteil sur le pieds d’une table, la douleur que nous exprimons par un « Aïe! » (le plus souvent suivi par une grossièreté) a pour fonction de nous libérer de l’émotion désagréable.
Pour des raisons acoustiques et physiologiques, probablement que les cartilages du larynx vont tendre et allonger les plis vocaux. Bien qu’en mécanisme 1 lourd, le volume sonore n’a pas besoin d’être intense. C’est d’abord une purge émotionnelle: nous avons besoin de soutien dans cette épreuve certes, mais pas nécessairement de le faire savoir au monde entier.
Juste après ce « aïe » initial, notre douleur s’estompe mais notre émotion est toujours présente, ou remplacée par celle de euh… la crainte d’avoir perdu notre petit orteil par exemple! Et notre voix reste dans une configuration qui incarne ces émotions.
De sorte que si nous rajoutons un grotesque « qu’est ce qu’elle fout là cette table » ou un « mais à quoi il sert ce petit orteil de toutes façons? », nous allons produire ces phrases dans les aigus et possiblement avec différentes intensités sonores.
Ce résultat sonore aux couleurs plaintives est omniprésent dans le chant, qu’importe les styles ou les cultures.
Peut-être parce que l’accès aux aigus est par ce chemin moins exigeant et surtout plus flexible. Et parce que de manière universelle, il communique une émotion, celle de la plainte, de la tristesse qui génère de l’empathie chez l’auditeur. Et en ce qui nous concerne, nous qui la produisons en chantant…Et bien, paradoxalement, ça fait du bien. Notre cerveau libère des hormones de bien-être.
L'émotion "colère / joie"
Voyons un autre exemple: lorsque nous réussissons quelque chose de difficile, nous nous exprimons par un « Ouééé! », que nous souhaitons partager avec le reste du monde. On observe très bien aussi cette configuration vocale dans les stades, après un but marqué. Ou encore, mais lié à une autre émotion, dans un « oh ca suffit là !! », expression de la colère.
Notre larynx choisis là bien sûr notre mécanisme 1 lourd. Probablement qu’un ou des cartilages du larynx vont raccourcir les plis vocaux parce que le son a besoin d’être plein, riche harmoniquement pour être le plus audible possible et qu’il faut pour cela, que le maximum d’épaisseur des plis vocaux soit en action.
Bien que faisable, dans cette configuration du larynx, à l’inverse de l’autre configuration vue précédemment, la nature n’a pas vu l’intérêt de permettre des volumes très différents. C’est fort, et c’est tout.
Comment apprendre?
Utiliser les expressions vocales des émotions: la fausse bonne idée...
Alors… oui, on peut dire que le premier schéma vocal de l’émotion « plaintive » et le second, celui de la joie ou de la colère, sont assez proches, qu’à première vue, il n’est question que d’un allongement ou d’un raccourcissement des plis vocaux. Que pour produire ces sonorités et les appliquer au chant, il suffit d’apprendre comment basculer les cartilages du larynx et adapter le reste en conséquence. C’est d’ailleurs ce que proposent des approches pédagogiques comme Estill ou CVT. Et tous leur produits dérivés.
Pourquoi pas… Mais à bien regarder, ce qu’il se passe est bien plus complexe. Que ce soit dans votre voix au quotidien ou dans un contexte de chant, rien n’est jamais figé bien longtemps dans une seule et unique manière de faire.
Chanter c’est vivre, interpréter un texte. Consciemment ou inconsciemment, différentes émotions, états d’esprits peuvent se succéder rapidement ou se cumuler. Votre mélodie c’est différentes hauteurs de sons, différents volumes, différentes couleurs. Vos mots, ce sont des agencements particuliers d’éléments dans votre bouche et dans votre gorge. Il faut différentes pression d’air, une respiration qui s’y adapte qui elle-même sera influencé par le fait que vous soyez en train de danser ou rester plutôt statique, debout ou assis. Et tout cela ne sera pas pareil le matin ou le soir, et dépendra de votre humeur, du contexte dans lequel vous chantez. Je ne parle même du poids de votre expérience, de votre vécu, etc….
Bref, le nombre de variables est énorme.
Et ce que je cherche à dire là, c’est que… d’abord, on ne peut pas juste dire que pour faire du belting, il faut basculer tel ou tel cartilage du larynx et puis voilà. Non, Tout cela est extrêmement dynamique. Tous les éléments et les variables qui rentrent en jeu dans votre chant s’influencent et interagissent ensemble.
Ce que je veux dire aussi c’est que, qu’importe ce que vous voulez appeler du belting. Chanter fort et dans les aigus peut se faire de manières différentes, avec différents leviers.
De sorte que, ce qui compte, c’est d’être capable de comprendre, sentir et actionner ces différents leviers.
Pour ça, utiliser les expressions vocales des émotions, c’est sur le papier une bonne idée, parce que votre cerveau sait très exactement ce qu’il doit commander à votre corps et à votre voix. C’est vrai.
Mais nous ne réagissions pas tous de la même façon aux émotions et vous demander de « pleurer » le son, ou d’imaginer -comme dans pratiquement toutes les vidéos que j’ai regardé sur le belting – être dans la joie de voir un ami au loin et l’appeler avec un hey qui fera sursauter les gens à côté de vous… Ça peut ne pas avoir de sens pour vous. Vous n’êtes pas forcement de celles et ceux qui spontanément vont le faire. Ou pas de cette manière là. Bref, ça ne vous correspond pas forcément.
Et même si c’est le cas ou que vous vous forcez à le faire, et bien n’espérez pas que quelques « hey », mêmes précédés de vos phrases chantées puissent s’intégrer durablement en vous. Avec ce modèle d’apprentissage « faites-ci, faites ça comme moi et répétez-le» vous allez probablement créer un conflit entre ce que vous cherchez à faire et une organisation physiologique et psychologique qui vous est propre. Ça ne marchera qu’un temps.
Et ne vous y trompez pas: ce n’est pas normal de devoir y revenir sans cesse, de le répéter pour pas qu’il ne disparaisse. Si c’est le cas, c’est que ce que vous cherchez à intégrer en vous ne trouve pas sa place, faute de cohérence.
Apprendre avec des modes, des recettes, des configurations (Estill, CVT, etc)
Mais revenons à la méthode pour apprendre: tout ce qui consiste à vous enseigner 2-3 recettes toutes faites (belting/voix mixte/voix de tête), c’est séduisant parce que ca parait plus simple, mais n’oubliez pas que votre voix n’organise pas les choses comme ça. La nature a horreur du vide et notre cerveau aussi. Ce cloisonnement en une poignée de recettes ne lui plait pas.
D’autant plus que, que ce soit pour la voix ou n’importe quel mouvement du corps, notre cerveau prévoit toujours pour des raisons de fiabilité et d’efficacité, une quantité de combinaisons et de possibilités. Autrement dit, pour un même résultat sonore, il va utiliser des stratégies, des routes différentes.
Ce qui explique peut-être aussi que les termes utilisés couramment dans le monde du chant ont autant de définitions que de personnes qui les établissent. Quant aux figures Estill ou les modes chez CVT, les personnes qui vous les enseignent le font selon des appuis théoriques sérieux certes, mais cela ne correspond pas nécessairement, ni à ce qu’ils font ni à ce que vous ferez vous, en définitive, dans la réalité.
Apprendre réellement
Une véritable façon d’apprendre à utiliser votre voix, pour chanter avec différents volumes, à différentes hauteurs, avec différentes couleurs, consiste en une meilleure compréhension de vous-même, de votre voix, de votre propre fonctionnement en ce qui la concerne. C’est l’étude des éléments et des espaces, de voir comment, dans un contexte du chant, tout cela s’organise. Pour vous.
Vous accompagner dans votre apprentissage du chant, dans un son plutôt plaintif ou de joie/colère, c’est créer des situations qui vous permettent de comprendre ce que vous faites. Cette connaissance de soi va naturellement faire émerger votre capacité à faire ce que vous voulez.
Et c’est de ces explorations de vous-même que vous pourrez avec vos propre mots, apposer une étiquette dessus, que vous vouliez appeler ceci du belting, cela de la voix mixte, du pleur, du curbing ou quoi que ce soit d’autres…
C’est ce que la formation de l’approche le Chant en Mouvements vous propose: un apprentissage expérientiel et donc une pédagogie active de découverte et d’acquisition par vous-même d’un savoir-faire.
Vous souhaitez en savoir plus? Regardez la vidéo de présentation