Avant de commencer votre (première) leçon
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Partir en exploration
Vous l’avez compris à la lecture de la page sur l’approche pédagogique de cette formation, nous allons souvent, dans les leçons de cette formation, explorer des mouvements.
Prenons un exemple très simple : dans une leçon, je vous dis: « avec votre tête, allez pour regarder vos genoux et revenez ».
D’abord, si la demande ne vous semble pas clair, ne vous inquiétez pas: le plus souvent je reformule peu après d’une autre manière, comme « rapprochez votre menton de votre poitrine et de retour à la position de départ ».
Parfois, la demande est volontairement imprécise. L’idée étant de susciter chez vous une démarche de recherche et d’exploration. Que vous trouviez et donniez un sens à ce que vous faites. C’est d’ailleurs pour cela que je ne vous montre pas ce qu’il faut faire.
Nourrir le système nerveux
Ne cherchez pas absolument à « bien » faire. Faites tel que vous le comprenez, comme cela vous vient spontanément.
Évitez de vous évaluer, ou de vous juger, de rentrer dans une boucle négative. Vous n’y arrivez pas? Ce n’est pas grave… Ne cherchez pas à être expert dans ce qui vous est proposé, mais simplement d’en apprendre plus.
Même si vous savez des choses sur le thème de la leçon, ne cherchez pas à anticiper et vous dire « ah oui, ça je connais. je vois ce qu’il va me faire faire et où on va… ». Ce faisant, vous sortirez du processus d’apprentissage. Préférez partir du principe que vous ne savez pas, ou que vous avez encore sûrement des choses à savoir sur le sujet.
Acceptez aussi de vous tromper car quoi que vous fassiez, il n’est pas question de corriger quoi que ce soit. Ce n’est ni bien ni pas bien.
L’idée est plutôt d’explorer, nourrir votre sytème nerveux en différentes options et possibilités et le laisser choisir par la suite ce qui lui semblera le plus efficace pour une tâche à effectuer.
Votre rôle est (simplement) de le nourrir, en étant attentif aux différences en terme de sensations entre les options et variations que je vous propose. D’être curieuse, curieux de ce qu’il se se passe.
Et de… sentir.
Sentir: l'aspect fondamental
Un aspect fondamental de ce travail est de sentir. Et pour sentir, à moins qu’il vous soit demandé de faire autrement, faites lentement!
Comme cette notion est relative, disons que pour la demande « avec votre tête, allez pour regarder vos genoux et revenez », vous prendrez à peu près 10 secondes pour l’effectuer.
Faites le maintenant s’il vous plait: déplacez votre tête pour aller pour regarder vos genoux, revenez à la position de départ et comptez dans votre tête 10 secondes.
On se fiche que ce soit exactement 10 secondes mais ca vous donne une idée.
Cette lenteur vous permet d’avoir le temps d’être attentif à tout ce qu’il se passe lorsque vous agissez. Car lorsque vous faites le mouvement, je vous invite à vous poser des questions: j’attire votre attention et la déplace vers des points précis.
Dans notre exemple, cela peut-être ce que font vos yeux, ce qu’il se passe dans votre nuque, dans votre dos, dans votre respiration, dans vos appuis sur le sol, etc.
Ne vous en voulez pas de ne pas sentir suffisamment ou de rien sentir du tout. Ça demande du temps et de l’entrainement. Et ca ne veut pas dire qu’inconsciemment, vous ne récupérez pas une masse importante d’informations.
Enfin, lorsqu’on ne sent que peu de choses, on se dit parfois qu’on va faire plus, aller plus loin, faire plus grand. C’est un écueil (et une loi psychophysique): c’est en faisant moins, plus petit et plus lentement qu’on sent le mieux.
Gênant versus Inconfortable
Faisons la distinction entre ce qui est inconfortable et ce qui est gênant.
Vous ne voulez jamais aller vers le gênant, ce qui vous fait mal physiquement ou psychologiquement, ce qui tire, force ou pousse.
L’amplitude de votre mouvement doit s’arrêter dès que vous sentez une résistance musculaire ou squelettique. Elle n’est pas là par hasard et elle vous informe que vous devez vous organiser autrement pour pouvoir aller plus loin. Cette information est donc importante et vous ne cherchez jamais à maitriser par la force votre organisme mais bien plutôt à être dans un échange, une discussion avec lui.
En revanche, les mouvements proposés peuvent s’avérer inconfortables parce qu’inhabituels. Nous avons cette sensation dans nos vies de tous les jours: par exemple prendre une route différente de celle que nous empruntons quotidiennement ou changer notre emploi du temps. C’est parfois anecdotique mais cela créé un dérangement dans notre organisation.
Parce que cela fait partie de ce travail, je vous invite à accepter cet inconfort. A ne pas le fuir.
Ceci étant dit, chacun de nous a son propre bagage d’apprentissage, académique ou autodidacte. Son propre historique de pratique, sa propre histoire d’un corps qui a peut-être vécu des traumatismes, des blessures. Sa propre organisation psychologique et émotionnelle. Sa propre conscience ou absence de conscience d’un soi corporel…
Prenez le en compte lorsque dans une leçon, vous faites face à quelque chose qui vous dérange, vous gêne, vous perturbe. Écoutez-vous: vous avez le droit de ne pas faire mais aussi de vous demander pourquoi c’est ainsi.
L'objectif c'est le voyage
Notre culture nous enseigne à tendre vers un objectif. Dans mon exemple, de parvenir, de réussir à baisser la tête et rapprocher le menton de la poitrine. Disons-le d’emblée: on s’en fiche.
Nos habitudes d’apprentissage (en chant ou ailleurs), nous enseigne que tout est question de gymnastique, voire de musculation, et qu’il faut répéter encore et encore. Que c’est comme ça que ça rentre! Pareil: faire de la gymnastique, on s’en fiche.
Le plus important et intéressant, c’est le voyage, le trajet. Autrement dit, le déroulement, l’organisation globale pour y arriver.
Il en sera de même avec des mouvements proposés avec la production d’un son, avec du chant. Bien sûr, vous vous arrêterez sur le résultat sonore! C’est normal… Mais malgré tout, faites abstraction du “c’est joli ou pas“, et prêtez attention au comment vous y êtes arrivé.
Car votre cerveau se fiche que ce soit joli ou pas: il veut que ce soit efficace.
L'objectif c'est le global
Nos habitudes d’apprentissage académique/scolaire (en chant ou ailleurs), nous enseigne à nous concentrer sur un aspect en particulier à régler. “Je n’arrive pas à chanter cette note aiguë, c’est mon problème, je travaille pour ça“.
L’inconvénient avec cette manière de penser c’est qu’on en oublie que chaque partie de nous-même forme un tout indivisible, un système. Que votre problème trouve probablement sa solution à un endroit qui n’a, de prime abord, rien à voir.
Alors, restez ouvert·e et curieuse·eux de ce qu’une leçon sur les pieds pourrait apporter à votre capacité à chanter plus aigu! Si vous ne voyez pas le lien, votre système nerveux lui, oui. Faites lui confiance.
La qualité seule compte
Bien des mouvements proposés sont souvent simples et accessibles. Ne vous contentez pas de les faire. Outre le fait d’être attentif à la réalisation, cherchez à les améliorer en qualité, de les débarrasser de ce qui est superflu.
D’où l’idée de faire lentement et d’être attentif à ce qui s’invite sans que vous en ayez conscience et qui pourrait une fois absent, rendre le mouvement plus libre, léger, souple, etc.
Vivre le mouvement sans l’exprimer
Bien souvent, je vais vous inviter à vivre le mouvement sans l’exprimer. C’est à dire, dans notre exemple, de vivre à l’intérieur de vous le mouvement de votre tête qui s’abaisse et qui revient, sans que vous fassiez réellement le mouvement. Bien que difficile lorsqu’on en a pas l’habitude, c’est une expérience extrêmement riche d’informations.
Il ne s’agit pas de vous regarder faire. On parle (je parle) parfois d’un travail d’imagination mais cette expression peut prêter à confusion. Ne vous imaginez pas faire ce mouvement comme si vous étiez à l’extérieur de vous-même, mais vivez l’expérience de ce mouvement en vous-même, de l’intérieur.
Ce travail d’imagination vous pouvez l’utiliser si vous n’arrivez pas à faire quelque chose que je vous propose. Bien sûr, essayez d’abord, explorez, cherchez. Mais si la leçon avance et que vous n’y êtes pas arrivé, imaginez simplement que vous le faites.
Vous pourriez être tenté parfois de vérifier ce que vous faites, avec vos mains, ou en vous regardant dans une glace. Évitez. Faites confiance à votre sens kinesthésique. C’est lui qui est développé à travers ce travail.
(Néanmoins, vous constaterez que dans certaines leçons, nous utilisons aussi notre sens du toucher. Mais c’est dans un but précis et de manière inhabituelle.)
Les positions
Chaque leçon se fait dans une certaine position: assise, debout ou allongé. C’est une directive qui est donnée au début de la leçon. Parfois, dans une leçon, on alterne entre plusieurs positions.
Il peut sembler curieux d’apprendre le chant et explorer la phonation en position allongée. On s’allonge au sol parce que l’on souhaite réduire l’activité des muscles antigravitaires (ceux qui nous permettent le maintien d’une posture debout ou assise) et donc de sentir bien mieux l’activité musculaire, squelettique et parties de nous-mêmes qui nous intéressent dans la leçon.
Pour apprendre, intégrer de nouvelles informations, il faut se sentir à l’aise. Votre cerveau ne doit idéalement pas être dans un mode de protection, dans l’inquiétude pour quelque chose.
Cet inconfort dans votre organisation des leçons (comme être mal assis·e, mal entendre, être gêné par du bruit extérieur, être fatigué, etc.), vous voulez à tous prix l’éviter (et distinguez le de “l’inconfort dans l’apprentissage“, de ce qui est nouveau, évoquée dans un paragraphe précédent).
Ainsi, même si vous le faites chez vous, offrez-vous le temps et l’espace pour suivre vos leçons sans être interrompu.
Faites la leçon en une fois, et non pas fragmentée. Le «un peu aujourd’hui, la suite demain» n’est pas très efficace dans la plupart des cas.
Les références
Dans chaque leçon, je vous propose d’établir une référence sur laquelle nous revenons tout au long de la leçon. Un ce sur quoi pouvoir apprécier et sentir un changement. Il y a là aussi pour votre système nerveux un avant/après qui est très important.
Au début de la leçon, je vous invite à mettre la video sur pause et debout ou assis, pendant une petite poignée de minutes, si vous êtes chanteuse/chanteur, de chanter un morceau ou extrait de morceau, acapela ou bien avec une bande instrumentale. Ce que vous voulez, ce qui vous fait plaisir. Ce que vous voudriez pouvoir améliorer, changer.
Si vous préférez réciter un texte, théâtral, une intervention ou une présentation, mettez-vous dans une situation que vous pourriez rencontrer dans votre domaine professionnel et veillez à être au plus près d’une experience de votre quotidien.
Pensez dès maintenant à avoir autant de morceaux ou textes différents qu’il y a de leçons. Ne prenez jamais les mêmes. Chaque leçon doit être faite avec un morceau ou un texte qui lui appartient. Il y aura un souvenir, un vécu qui va se créer en lien avec le morceau ou le texte.
A quel rythme faire les leçons?
Au vôtre! Certaines personnes peuvent enchaîner deux leçons en une journée et d’autres ont besoin de laisser deux semaines entre chaque. Peut-être qu’entre ces deux extrêmes, il y a un juste milieu.
Faut-il prendre des notes?
Non, s’il vous plait: vivez l’expérience plutôt que de vous interrompre, mettre sur pause pour la transcrire sur du papier. Vos notes ne vous apprendront rien en terme d’expérience. Vous n’en avez pas pris lorsque vous avez appris à marcher, nager ou faire du vélo! (enfin j’espère)
En revanche si après la leçon, vous voulez noter des choses, là oui bien sûr…
S'échauffer la voix avant?
Vous pourriez être tenté avant de commencer vos leçons, de vous préparer, de vous échauffer la voix.
S’il vous plait, ne le faites pas. Prenez vos leçons comme des expériences où l’intérêt est d’observer la différence entre un état de départ et celui d’arrivée.
L’apprentissage va naitre du contraste entre ces deux états. Ce sont ces informations que votre cerveau va récupérer, notamment celles relevant de l’effort et de l’organisation.
Si vous modifiez au préalable ces informations, vous faussez votre expérience. Cela peut vous paraitre insatisfaisant de chanter d’emblée avec tout ce que cela comporte comme imperfections, mais acceptez-le malgré tout.
Car c’est cet état initial que vous cherchez à faire évoluer, pas celui après votre échauffement.
Conclusion ...
Pour conclure, j’aimerais vous dire: il n’y a pas de magie dans ce que vous allez faire. Au contraire, il s’agit d’un processus d’apprentissage rationnel. La méthode qui inspire les leçons qui vont suivre a été créée par un scientifique, un physicien.
Si parfois cela nous semble extravagant et insensé, c’est parce que la complexité nous échappe. Lorsque nous avons appris à faire du vélo, nous n’avons pas compris comment notre cerveau et notre corps s’organisaient pour tenir en équilibre dessus. Et pourtant, nous n’avons jamais eu besoin d’y revenir. Cet apprentissage est là, ancré en nous. C’est très exactement le même type d’apprentissage qui vous est proposé ici. Je ne suis qu’un facilitateur d’apprentissage qui organise pour vous des vécus, des expériences sous forme de leçons.
Donnez-vous le temps d’être à l’aise avec tout cela. Ca demande un entraînement, c’est certain.
Lors d’une leçon, vous pourriez être amené à vous dire « je suis nul, je n’y arrive pas » ou « de toutes façons c’est stupide, les vocalises et les exercices de respiration, il n’y a que ça de vrai » ou encore « il est nul ce type, il n’a rien compris ». Je sais, je suis passé par là. Je me suis dit les mêmes choses. Il m’a fallu du temps pour accepter et comprendre que ce travail est long, parfois laborieux et frustrant.
Mais quand soudain dans notre voix, ce qu’on croyait être inatteignable devient accessible, ce qu’on pensait réservé aux autres fait partie de notre répertoire, que ce qui n’avait aucun sens devient une évidence, on comprend que les réponses à nos difficultés, aux obstacles rencontrés, trouvent une réponse en nous, grâce à nous.
Et c’est extrêmement gratifiant, valorisant et motivant.